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Le projet de cimenterie à Port-Daniel-Gascons, deux poids, deux mesures?

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On a institué cet été un recours en révision judiciaire devant les tribunaux afin de faire annuler le certificat d’autorisation émis à la cimenterie McInnis par le Ministre David Heurtel, lequel permettait d’amorcer la construction de la cimenterie à Port Daniel-Gascons de 1,1 milliard $.

Le Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE), le groupe Environnement Vert-Plus et la cimenterie Lafarge Canada inc. ont institués cet été un recours en révision judiciaire devant les tribunaux afin de faire annuler le certificat d’autorisation émis à la cimenterie McInnis par le Ministre David Heurtel, lequel permettait d’amorcer la construction de la cimenterie à Port Daniel-Gascons de 1,1 milliard $. Le but de cette requête est de faire en sorte que le projet soit soumis au processus d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement et de participation publique étant donné que ce projet aura des impacts majeurs sur la qualité de l’environnement.

Plusieurs organismes environnementaux, dont environnement Vert-Plus, avaient exercé des pressions auprès du ministre de l’Environnement de l’époque avant l’émission du certificat d’autorisation, particulièrement à l’automne 2013, afin d’assujettir le projet de construction de la cimenterie de Port-Daniel-Gascons à une évaluation environnementale ainsi qu’à une audience publique. Leur demande s’expliquait notamment par le fait que ce projet de cimenterie deviendrait l’un des plus grands consommateurs de coke de pétrole au Québec.

Effectivement, ce projet aura des conséquences environnementales majeures. L’usine produira annuellement 2,2 millions de tonnes de ciment, et le projet pourrait représenter entre 6 et 10% des émissions totales de gaz à effets de serre (GES) de tout le secteur industriel du Québec, en plus d’émettre d’importantes quantités d’oxydes d’azote (NOx et de N2O), de dioxyde de soufre (SO2), de même que des matières particulaires, des COV (composés organiques volatils) et des métaux lourds. Afin d’être concurrentielle, la cimenterie McInnis compte utiliser le coke de pétrole, lequel provient des résidus de raffinage, plutôt que le charbon comme combustible.

L’argument principal du gouvernement québécois pour justifier l’exemption du projet au processus requis par le BAPE est qu’il s’agirait d’une modification à un projet qui avait été soumis en 1995, quelques mois avant que les cimenteries ne soient assujetties au processus d’évaluation. Nous sommes toutefois d’avis que cet argument est difficilement défendable de manière cohérente. En effet, le projet actuel de McInnis aura deux fois l’envergure du projet qui avait été initialement soumis au milieu des années 1990. D’un point de vue objectif, affirmer qu’il s’agit bel et bien du « même projet » nous semble non seulement exagéré, mais également contraire aux principes directeurs de la Loi sur la qualité de l’environnement.

Malgré cela, la cimenterie continue de défendre son projet sous prétexte qu’elle aspire à devenir un exemple dans l’industrie puisqu’elle appliquerait les normes NESHAP1 (New Plant) 2015. Elle indique en effet qu’elle deviendrait ainsi « la seule cimenterie au Canada qui respectera les normes d’émissions atmosphériques les plus sévères en Amérique du Nord, significativement plus restrictives que les normes applicables au Québec ». Les normes auxquelles elle entend s’assujettir seraient notamment 15 fois plus sévères quant aux émissions de particules dans l’atmosphère. Par ailleurs, Ciment McInnis menace également de mettre fin à son projet si ce dernier devait être soumis au processus du BAPE, puisque ses investisseurs pourraient se retirer dans une telle éventualité.

La cimenterie n’est toutefois pas au bout de ses peines. On apprenait récemment que les États-Unis s’apprêtent à contester le dossier devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Le fait que Québec subventionne une usine dont la totalité de la production sera exportée aux États-Unis serait apparemment interdit par l’OMC. En effet, en date d’aujourd’hui, le gouvernement québécois a injecté un total 450 millions de dollars dans le projet de Ciment McInnis. Les sommes ont été fournies par l’entremise de la Caisse de dépôt et placement du Québec et d’Investissement Québec.

Le dossier de la cimenterie McInnis n’a certainement pas fini de faire parler de lui, qu’il s’agisse de la procédure en révision judiciaire pour lequel le jugement est très attendu, que des récentes menaces de poursuite des États-Unis devant l’OMC. Nous vous tiendrons informés des développements dans ces dossiers.

Sujets associés: Environnement & Énergie