Mise en vigueur de modifications importantes à la loi sur les pêches
Bulletins
Avec l’adoption le 29 juin 2012 du Projet de loi C-38, le gouvernement fédéral a sanctionné des modifications importantes à la Loi sur les pêches.
Une partie des modifications à la Loi sur les pêches (la « Loi ») est entrée en vigueur lors de l’adoption du Projet de loi C-38. Entre autres, l’interdiction de détériorer, de détruire ou de perturber l’habitat du poisson prévue à l’article 35 (1) de la Loi a été modifiée pour inclure également l’exercice d’une « activité », en plus de l’exploitation d’un « ouvrage » ou d’une « entreprise ». Cet ajout a donc pour effet d’élargir la portée de l’interdiction.
Cet élargissement est toutefois nuancé par une autre modification qui prévoit qu’il est tout de même permis d’exploiter un ouvrage ou une entreprise ou d’exercer une activité sans contrevenir à l’interdiction de l’article 35 (1) de la Loi si les dommages sont causés par l’accomplissement d’un acte requis, autorisé ou permis sous le régime de la Loi (art. 35 (2) de la Loi).
Le gouvernement fédéral a décrété cette semaine que le reste des modifications à la Loi entrera en vigueur le 25 novembre prochain. Celles-ci amènent d’importants changements à la Loi, plus particulièrement au libellé de l’article 35 (1) qui, jusqu’à présent, interdit la détérioration, la destruction ou la perturbation de l’habitat du poisson. Cette interdiction est remplacée par l’interdiction d’entraîner « des dommages sérieux à tout poisson visé par une pêche commerciale, récréative ou autochtone, ou à tout poisson dont dépend une telle pêche ». La disposition ne vise plus l’habitat du poisson en général, mais limite l’interdiction aux poissons visés par ces types de pêche. L’application de la Loi est davantage limitée puisqu’elle ne cible désormais que les dommages sérieux aux poissons visés par de telles pêches plutôt qu’une détérioration ou une perturbation de façon plus large. La Loi définit « dommages sérieux » comme étant « la mort de tout poisson, la modification permanente ou la destruction de son habitat ».
Plusieurs sont d’avis que ces modifications sont le fruit d’une vision strictement économique et commerciale à court terme qui ne tient pas compte des considérations environnementales à long terme. Le gouvernement fédéral rétorque qu’il ne fait simplement que modifier la Loi afin que cette dernière soit plus en ligne avec son objectif : la protection des pêches et non celle des poissons.
Ces modifications viennent en quelque sorte dépouiller la Loi de son caractère de protection de l’environnement, lequel a été établi au fil du temps notamment par les tribunaux, puisqu’elle ne vise plus la protection de tout habitat du poisson, mais vise désormais uniquement la protection de certains types de pêches au Canada. Ces modifications auront des impacts certains pour plusieurs entreprises et industries au Canada puisqu’elles n’auront plus à se soucier de la protection de l’habitat du poisson lors de la mise en œuvre de certains de leurs projets.
De l’avis du Barreau du Québec, ces modifications constituent une menace à l’intégrité de la biodiversité et ne respectent pas le principe général de développement durable ni les engagements internationaux pris par le Canada en matière de protection de la biodiversité. Ces modifications réduiront de manière considérable la protection législative accordée à l’habitat du poisson et à la préservation de ces ressources, ce qui représente une régression inacceptable de la protection juridique offerte jusqu’à maintenant aux ressources halieutiques du Canada.
Toujours selon le Barreau, le nouvel article 35 (1) de la Loi pourrait s’avérer juridiquement peu efficace compte tenu des difficultés de preuve que son dispositif contient. Il sera notamment difficile d’établir la preuve d’une « modification permanente » ou d’une « destruction » d’un habitat dans des milieux déjà affectés. Ces notions pourraient soulever d’importantes difficultés en matière de causalité et des questionnements sur la permanence des dommages aux habitats dans le temps, notamment au regard de la prescription et des processus naturels de restauration, sans parler des difficultés pratiques de documenter et de prouver l’existence d’une pêche commerciale, récréative ou autochtone à l’endroit précis où le poisson fut tué ou son habitat détruit.
À cet égard, la Loi n’établit aucun critère permettant de déterminer qu’est-ce qu’une pêche commerciale, récréative ou autochtone. À titre d’exemple, ce pourrait-il qu’une espèce de poisson soit protégée dans une province qui en réglemente sa pêche récréative, notamment par l’émission d’un permis, mais ne le soit pas dans une autre en raison d’une absence de réglementation. Verrons-nous différentes applications de la Loi à travers le Canada? C’est fort possible, mais cela n’irait-il pas à l’encontre du principe voulant qu’une loi fédérale doive recevoir la même application partout à travers le pays?
Parmi les autres modifications, il est intéressant de noter que l’interdiction de tuer des poissons prévue à l’article 32 de la Loi est complètement abrogée. De plus, l’article 20 de la Loi portant sur les passes migratoires est modifié de façon à énoncer une liste de mesures pour minimiser les dommages que le Ministre de Pêches et Océans Canada (le « Ministre ») peut imposer s’il les estime nécessaires pour assurer le libre passage des poissons ou prévenir les dommages aux poissons.