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Décision Laurentide Re-Sources Inc. c. Ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, 2018 QCTAQ 12602

Bulletins, Jurisprudence

Le 28 décembre 2018, le Tribunal administratif du Québec (« TAQ ») a annulé deux sanctions administratives pécuniaires (« SAP ») que le Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (« MELCC ») avait émis à l’encontre de l’entreprise de recyclage de peinture, Laurentide Re-Sources Inc.

Pour le TAQ, une matière ayant subi un processus de valorisation n’est plus une matière résiduelle.

Ainsi, le TAQ trace la ligne dans la définition d’une « matière résiduelle » : une matière reconditionnée n’est plus un résidu d’utilisation et ne répond pas à la définition de « matière résiduelle » récemment éclaircie par la Cour d’appel.

Le contexte

Laurentide Re-Sources Inc. exploite une usine de traitement de peinture usagée d’origine domestique. Le modèle d’affaire de cette entreprise consiste à récupérer les pots de peinture usagés dont les utilisateurs se départissent afin de reconditionner la peinture non utilisée et de la réintégrer sur le marché.

Après avoir été récupérée, la peinture usagée est filtrée de tout résidu puis sommairement traitée, de sorte qu’elle redevient propre à l’utilisation initiale.

Une fois ce traitement réalisé, les pots de peinture reconditionnés étaient, au moment des inspections du MELCC, entreposés dans des entrepôts indépendants de l’usine, le temps que les transporteurs en prennent possession aux fins d’expédition chez les différents acquéreurs tels que les magasins de détails et les quincailleries.

C’est dans un tel contexte que le MELCC considérait que la peinture entreposée post-traitement demeurait une matière dangereuse résiduelle dont l’entreposage est soumis à l’obtention d’une autorisation ministérielle en vertu de l’article 70.9 de la Loi sur la qualité de l’environnement, RLRQ c Q-2 (« LQE »), en vigueur avant la modification de la loi en 2018.

Pour le MELCC, une matière ayant été utilisée devenait et demeurait une matière résiduelle malgré son reconditionnement.

La décision

D’après le TAQ, les SAP imposées par le MELCC à l’entreprise pour ne pas avoir préalablement obtenu de permis pour l’entreposage des pots de peinture à leur sortie de l’usine sont injustifiées.

Après analyse de la preuve, le Tribunal conclut qu’il serait déraisonnable de qualifier de matière résiduelle un résidu d’utilisation issu d’un processus de valorisation.

À la notion de « matières dangereuses résiduelles », le TAQ oppose celle de « produit manufacturé », tel que le suggère l’article 6 du Règlement sur les matières dangereuses, RLRQ c Q-2, r 32 (« RMD »). Ainsi, les juges considèrent qu’un produit nettoyé des éléments indésirables et reconditionné est un produit manufacturé, de sorte qu’il ne peut plus s’agir d’une matière résiduelle.

Pour la première fois2, un tribunal québécois s’appuie sur la notion d’ « économie circulaire » pour justifier sa décision de ne pas faire obstacle à la valorisation de matières résiduelles.

En conséquence, le TAQ considère qu’un produit fabriqué à des fins commerciales, issu d’un procédé de traitement de matières dangereuses résiduelles, n’est pas visé par l’application de l’article 70.9 LQE et donc son entreposage n’est pas soumis à l’obtention d’une autorisation ministérielle au sens de la LQE.

Aperçu des nouvelles dispositions en matière d’entreposage de matières dangereuses résiduelles

Depuis le 23 mars 2018, la LQE prévoit un régime d’autorisation ministérielle unique, regroupant ainsi sous son article 22 l’ensemble des activités soumises à une telle autorisation, dont les permis concernant les matières dangereuses résiduelles.

L’entreposage de matières dangereuses résiduelles demeure conditionné à l’obtention d’une autorisation ministérielle en vertu de l’article 70.9 de la LQE renvoyant dorénavant à l’article 22 de cette même loi, sous réserve des exceptions en termes de quantité, prévues à l’article 118, alinéa 1, paragraphe 4 du RMD.

Cela étant, la définition d’une « matière dangereuse résiduelle » a été modifiée lors de cette dernière révision de la LQE.

Désormais, le deuxième alinéa de l’article 70.6 de la LQE dispose :

On entend par « matière dangereuse résiduelle », l’une des matières suivantes :

  • 1°   une matière dangereuse ayant été produite ou utilisée mais mise au rebut;
  • 2°   une matière dangereuse ayant été utilisée mais qui ne l’est plus pour la même fin ou une fin similaire à l’utilisation initiale;
  • 3°   une matière dangereuse ayant été produite ou détenue en vue de son utilisation mais qui est périmée;
  • 4°   une matière dangereuse ayant été produite ou utilisée et qui apparaît sur une liste établie par règlement du gouvernement ou appartient à une catégorie mentionnée sur cette liste.

Le paragraphe 2° de la nouvelle rédaction de l’article 70.6, alinéa 2 de la LQE prévoit ainsi que les matières dangereuses ayant été utilisées mais qui continuent de l’être pour la même fin ou une fin similaire à leur utilisation initiale, ne se qualifient pas de « matières dangereuses résiduelle ». Leur entreposage n’est alors pas soumis à l’obligation d’obtention d’une autorisation ministérielle en vertu de l’article 70.9 de la LQE ni aux conditions d’entreposage qu’impose le RMD.

La décision du TAQ peut être consultée via l’hyperlien suivant : http://canlii.ca/t/hwv4f