L’affaire Agrégats Lefebvre inc : le pouvoir de la Ville de Mercier est limité
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Au mois de mars dernier, la Cour supérieure s’est penchée sur la question dans la cause opposant l’entreprise Agrégats Lefebvre inc. (« Agrégats ») et la Ville de Mercier1. Les faits de cette affaire sont les suivants.
Agrégats exploite une sablière sur des lots d’environ 213 000 m2 situés dans la Ville de Mercier. La sablière est exploitée par Agrégats depuis plus de 35 ans, et ce, sur la base de droits acquis. Elle souhaite maintenant y exploiter une carrière pour les dix prochaines années. Pour ce faire, Agrégats se devait d’obtenir une autorisation de la CPTAQ2 puisque lesdits lots sont situés en zone agricole. Elle devait également obtenir un certificat d’autorisation délivré en vertu de l’article 22 de la Loi sur la qualité de l’environnement. Dans les deux cas, un certificat attestant que la demande d’Agrégats ne contrevenait à aucun règlement municipal devait être émis par la Ville de Mercier, et ce, préalablement à toute autre autorisation.
En décembre 2012, la Ville de Mercier a refusé d’émettre le certificat d’attestation. La Ville prétendait que l’exploitation d’une carrière sur l’ensemble de son territoire était interdite. Ce refus de la Ville faisait en sorte qu’Agrégats était bloquée et que, par conséquent, elle ne pouvait aller de l’avant avec le dépôt de sa demande d’autorisation auprès de la CPTAQ et de sa demande de certificat d’autorisation auprès du ministre de l’environnement de l’époque.
Agrégats a contesté le refus de la Ville de Mercier et, le juge Paul Mayer, dans un jugement rendu 18 mars dernier, a conclu que le refus d’émettre l’attestation en question était non fondé. Le juge s’est posé la question suivante : une ville peut-elle légalement adopter un règlement de zonage qui prohibe totalement l’établissement de carrières sur son territoire?
En principe, une municipalité ne peut pas interdire par règlement un type d’activité sur l’ensemble de son territoire. Ce principe souffre cependant d’une exception. En effet, il est possible pour une municipalité d’agir ainsi lorsque son règlement prohibitif est adopté afin de se conformer aux objectifs du schéma d’aménagement de la MRC3 ou aux autres dispositions de son document complémentaire.
Le juge Mayer s’est donc astreint à analyser les objectifs et les orientations du schéma d’aménagement de la MRC de Roussillon, ainsi que de son document complémentaire. Suite à cette analyse, il en est venu à la conclusion qu’aucun des objectifs et des orientations du schéma n’autorisait une prohibition totale des carrières sur le territoire de la Ville ni même ailleurs sur le territoire de la MRC.
Bref, ce jugement confirme à nouveau qu’un schéma d’aménagement qui prohibe une activité par ailleurs licite doit exprimer la prohibition en des termes clairs.
Que doit-on retenir de ce jugement? Si une ville désire interdire les carrières sur son territoire, ou toute autre industrie, elle doit donc le faire par règlement de zonage ou d’urbanisme en respectant le schéma d’aménagement et les droits acquis.
Le juge Mayer a donc ordonné à la Ville de Mercier d’attester que la demande d’Agrégats ne contrevenait pas à la réglementation municipale. La Ville, aux prises avec un problème de contamination de sa nappe phréatique dans les lagunes de Mercier et étant d’avis que le projet d’Agrégats pourrait avoir comme impact d’exacerber ce problème, a porté la décision du juge Mayer en appel le 14 avril dernier.
À suivre…