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Les effets de la décision Castonguay Blasting ltd. C. Ontario de la cour suprême du Canada relative aux rejets accidentels de contaminants : dans le doute, signalez!

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Les faits de l’affaire remontent à 2007 en Ontario, alors qu’un sous-traitant de l’entreprise Castonguay Blasting Ltd. effectuait du dynamitage pour le compte du ministère des Transports dans le cadre de travaux d’élargissement d’une route. Lorsqu’ils ont effectué une explosion, d’importants éclats de roc ont accidentellement été propulsés dans les airs sur une distance d’environ 90 mètres, traversant le toit d’une résidence et endommageant une voiture. Il n’y eut toutefois aucun blessé.

L’entreprise a immédiatement informé le ministère des Transports ainsi que le ministère du Travail. Ceci étant dit, Castonguay n’a pas signalé l’incident au ministère de l’Environnement. D’ailleurs, nous pourrions nous interroger, pourquoi l’aurait-elle fait puisque l’explosion n’a causé aucun dommage à l’environnement. Toutefois, lorsque le ministère de l’Environnement a appris que cet incident était survenu, l’entreprise a été accusée d’avoir rejeté un contaminant en violation de la Loi sur la protection de l’environnement de l’Ontario (« LPE ») et de ne pas avoir signalé le rejet. Castonguay a plaidé aux instances inférieures que l’obligation d’aviser ne s’appliquait pas au cas en l’espèce, puisqu’il n’y avait eu aucune atteinte à l’environnement. La Cour suprême est venue trancher le débat. Essentiellement, nous y voyons une volonté d’élargir la portée du terme « contaminant », la Cour suprême affirmant que ces éclats de roc doivent être considérés comme des contaminants rejetés dans l’environnement naturel, bien qu’ils en proviennent directement.

L’obligation de signaler sans délai qu’un contaminant a été émis dans l’environnement naturel est prévue dans la LPE lorsque deux conditions sont réunies, soit : (1) lorsque l’acte survient en dehors du cours normal des événements; et (2) lorsque l’acte cause ou causera vraisemblablement une conséquence préjudiciable. En vertu de la LPE, le terme « contaminant » est défini comme suit : « Solide, liquide, gaz, son, odeur, chaleur, vibration, radiation ou combinaison de ces éléments qui proviennent, directement ou indirectement, des activités humaines et qui ont ou peuvent avoir une conséquence préjudiciable », tandis que l’expression « conséquence préjudiciable » correspond à l’une ou plusieurs des conséquences suivantes :

  • a) la dégradation de la qualité de l’environnement naturel relativement à tout usage qui peut en être fait;
  • b) le tort ou les dommages causés à des biens, des végétaux ou des animaux;
  • c) la nuisance ou les malaises sensibles causés à quiconque;
  • d) l’altération de la santé de quiconque;
  • e) l’atteinte à la sécurité de quiconque;
  • f) le fait de rendre des biens, des végétaux ou des animaux impropres à l’usage des êtres humains;
  • g) la perte de jouissance de l’usage normal d’un bien;
  • h) le fait d’entraver la marche normale des affaires.

Dans son jugement, la Cour suprême en arrive à la conclusion qu’il n’appartient pas à l’auteur de l’acte de décider si des mesures supplémentaires sont de mise, et dans l’affirmative, lesquelles, mais bien au ministère de l’Environnement, afin de lui permettre d’agir rapidement si des mesures préventives ou réparatrices sont nécessaires. La Cour indique également que le dommage à l’environnement n’est pas un prérequis en ce qui a trait à l’obligation de signalement, étant donné que le simple risque que l’une des conséquences préjudiciables susmentionnées survienne est suffisant pour déclencher l’obligation d’aviser le ministère.

Bien que la cause ait pris naissance en Ontario, les entreprises québécoises devront à l’avenir faire preuve de prudence et appliquer les principes dégagés par la Cour suprême dans cette décision. La LPE est la principale loi ontarienne en matière de protection de l’environnement et est semblable à plusieurs égards à son pendant québécois, la Loi sur la qualité de l’environnement. Toutes deux ont une vaste portée et doivent être interprétées de manière large et libérale. De plus, la définition de « contaminants » y étant prévue est à toutes fins pratiques la même que dans la LPE. La loi québécoise prévoit également que quiconque est responsable de la présence accidentelle dans l’environnement d’un contaminant doit en aviser le ministre sans délai. Il sera donc souhaitable pour les entreprises d’appliquer les recommandations énoncées par la Cour suprême, soit : « Dans le doute, signalez ».